SOIRÉE AU BORD DE MER
LE HAVRE pour le Samedi 24 Août 1976
C'était la nuit,
Je marchais vers ce quai si long, si long,
Avait-il seulement une fin ?
Dans la nuit alentour, rien n'était moins sur.
Le vent, la vie, soufflaient, passaient, partaient.
Au loin, le monstre dormait, dormait d'un sommeil agité.
Ses feux de vie ne s'éteignaient qu'avec peine.
C'était la nuit,
Une vie s'envola, une autre apparut,
Une troisième passa près de moi,
Mon seul compagnon, le chien, passait.
Il allait vers le quai si long, si long.
Si long, qu'il n'en revint jamais.
J'avais perdu là mon meilleur ami.
Je n'étais plus moi même.
Je n'étais plus rien du tout.
Comment pouvais je encore dire "je".
Mon esprit seul était présent,
Mon corps était loin, loin.
Si loin, au bout du quai.
Puis d'un seul coup, un tonnerre de paroles, un orage de mots,
Une grêle de syllabes me reconstitua.
Mes semblables me recherchaient pour je ne sais quoi,
Mais à coup sur pour quelque futilité.
C'était la nuit.
Je revins au bateau, je descendis.
Après m'avoir arraché à mon rêve,
Et, constatant ma présence dans ce monde,
Mes semblables m'ignorèrent presque.
Je remontais sur le pont,
Je m'allongeais,
Je m'endormis,
Ce fut la nuit,
Ce fut le noir.