Il est tard, très tard peut-être trop tard. Sous sa mansarde, l'eau dégouline de la fenêtre mal jointe. L'homme sujet à la chute vers le plus profond se vêt.
Il chausse son inséparable imperméable. Il ferme un à un les boutons et serre sa ceinture.
Il est prêt.
Une à une, il descend les marches. Six étages, c'est long. C'est long comme une vie sans sourire, sans rire, sans regard. C'est long comme une bouteille de champagne que l'on boit seul assis à sa table le soir de Noël.
Le voici arrivé au terme de Noël, de la bouteille, des regards, de l'escalier. Il sort du couloir et se retrouve dans la joie des autres, des illuminations de Noël, dans la rue qui va et qui vient.
La fine pluie qui tombe fait briller la cité avec ses poubelles et ses chiens qui crèvent comme des hommes. Les passants passent puisqu'ils ont à faire.
Et lui il marche vers l'inconnu qui s'offre a lui. Comme cette vision de l'autre coté de la rue. Elle est là, bleue de son regard, seule dans son imperméable fermé de ses boutons et de sa ceinture.
Marchant à contre sens. S'arrêtant soudain comme lui.
Le temps passa comme les passants ainsi sans doute longtemps. Puis, il a su qu'il devait traverser, franchir la vie, aller vers elle qu'il connaîtrait bientôt. Elle ne bougea pas lorsqu'il a traversé. Il allait vers elle.
L'auto n'a pu l'éviter et il s'est affalé comme ça bêtement sur la route. L'eau qui tombait faisait de curieux dessins avec le sang qui s'échappait de son corps.
Il est arrivé au terme de la bouteille, de Noël, de l'inconnue, de sa vie. Douze coups ont sonné, Douze coups. Et la vie s'est éteinte.
LILLE
Le 6 Janvier 1983